
Texte : Enzo Fourteau / Photographies : AnneCharlotte Guinot
30-06-2023 – Jour 1 – de Montreal à North Bay
Je me suis réveillé ce matin dans ce que je qualifierais de peur viscérale. J’avais entendu un grand coup sur la porte, puis, plus rien. Même mon réveil, quand il sonne, émane plus de tendresse. J’imagine que dans le langage de père, ça peut vouloir dire quelque chose comme « on a besoin de ton aide » et je devrais m’y habituer. Bref, je me suis réveillé, donc, et comme j’avais eu la peur de ma vie, le premier réflexe que mon esprit a eu a bien sur été de me rendormir. Qui ne ferait pas cela à ma place ?
Une heure plus tard je me réveillai de nouveau et je descendrai donc les pénibles escaliers. Quelle fut ma surprise quand j’ai constaté que tout, à l’exception de mon sac, avait été chargé dans la voiture. Bien évidemment, une telle surprise ne vient pas sans conséquences et je me retrouvai a me chicaner avec mon papa alors que pas la moindre goutte de café n’était rentrée dans mon corps. Ça m’avait mis de mauvaise humeur, mais que voulez-vous, les parents ont parfois un don pour ça. Pendant une courte trêve, je mangeai donc l début de mon petit déjeuner. C’était une part de tiramisu que m’avait préparée mon amour, et au gout délicieux et sucré de ce gâteau italien se mêlait celui, amer, de la distance qui allait nous séparer. Je savais déjà qu’elle allait beaucoup me manquer.
Mes parents revinrent et je compris que la seule manière de me repentir et de calmer les tensions était d’aller au magasin acheter des oeufs. Le trajet ne m’a guère plu. Une fumée suffocante qui multipliait la chaleur planait dans la ville et ça m’avait donné mal à la tête. Quelques oeufs plus tard, le grand départ approchait enfin et quelques préparatifs plus tard, nous étions déjà dans la voiture. Un dernier au revoir a notre chère maison et un message à mon amour au moment ultime, c’était ma volonté. Je lui ai dit que je l’aimais beaucoup et elle a répondu de même. Enfin, le moment inéluctable est arrivé. La musique chantait, le moteur était allumé … rendez-vous dans l’ouest !
J’étais content : nous étions repartis de zéro avec mon père et je pense que ça a fait baisser le stress. Nous conduisîmes quelques heures et c’était calme. Je pense que j’ai pas mal dormi. Après tout peu importe, la route le permettrait. Je pense que c’était la première fois que je m’aventurais loin dans les terres, la première fois que je passais la frontière entre le Québec et l’Ontario. C’est quelque-chose quand même. J’ai vu que leurs autoroutes étaient limitées à 110. Ça m’a surpris un peu.
Nous passâmes par la capitale et ça nous a rappelé un paysage de Moscou quand l’URSS faisait encore parler de lui. Les bâtiments délabrés en béton étaient vraiment tristes à voir. Heureusement que nous n’avions pas planifié d’y rester pour la nuit. Et cette fumée qui pesait sur nous … C’était très bizarre. Bref le trajet continuait.
Moi aussi j’ai conduit. Pour ne rien vous cacher, je pense que la tension dans la voiture a atteint son paroxysme, surtout à l’entrée d’autoroute. J’ai l’âme d’un poète, ça inclus d’être maladroit. Si seulement cela ne mettait pas nos vies en jeu…. Enfin malgré le fait que j’oubliais parfois de respirer et que je serrais le volant au point d’en avoir des fourmis dans les doigts, nous arrivâmes sans heurt à une autre station-service après une heure et demi. Nous avions survécu et je me sentais plus en confiance à la fin alors j’imagine qu’on a pu en tirer des bonnes choses.
Mon père ayant repris les rennes de la voiture, nous nous arrêtâmes devant une grande rivière qui ressemblait un peu à un lac. Je me suis senti libre. L’odeur des vagues, de leur écume et des algues ni ont rappelé le sentiment d’un voyageur aventurier que j’avais laissé s’effriter avec le temps. Le sentiment inexorable d’avoir le monde à sa portée. Nous avons mangé des pêches et des abricots en marchait sur la rive et c’était bon.
Nous reprîmes la route, il ne restait pas grand chose. Les paysages déjà magnifiques défilaient devant nos yeux. Ça m’a rappelé les photos dans les livres d’histoire et j’ai trouvé cela drôle. Finalement, nous arrivâmes, après quelques musiques françaises au lieu où tout devait se jouer.
C’était un peu effrayant au début parce qu’on ne trouvait pas l’adresse. J’imagine que l’on retrouve ce scénario à chaque voyage. C’est fou, quand même. Un petit camping caché dans le bois nous appelait afin que nous nous reposions dans son havre: la paix absolue malgré tous ces moustiques. Nous avons marché un peu, sommes allés voir les chevaux et les moutons sous une douce lumière divine.
C’est incroyable comme Dieu est grand. Le premier jour acheva ainsi. Nous mangeâmes dehors en profitant du moment présent, et nous retournâmes dans la roulotte pour se reposer. La route allait être longue le lendemain.

















